Une directive européenne annoncée depuis sept ans s’est abattue sur le monde de la phytothérapie entraînant rumeurs et tremblements. L’Europe veut-elle nous empêcher de dormir en coupant l’herbe sous le pied de la passiflore, de la mélisse et du bouleau ? Enquête.
Si vous êtes branchés médecine douce, votre boîte mail a sans doute failli s’étrangler d’indignation devant le message de Heidi Stevenson à l’automne dernier intitulé : « Grande victoire pour l’industrie pharmaceutique : les plantes médicinales bientôt interdites dans L’UE ».
En quelques lignes, l’exposé de l’homéopathe anglaise enchaînait des nouvelles plus alarmantes les unes que les autres. « C’est quasiment fait. Nous allons voir disparaître les préparations à base de plantes, ainsi que la possibilité pour les herboristes de les prescrire.
Qu’en est-il vraiment ? Info ou intox ? Un peu des deux. Car, oui, les remèdes à base de plantes vont être davantage réglementés. Mais, non, ils ne vont pas tirer leur révérence. Explications.
Fauchées en pleine floraison
Les temps changent. Hier quand vous aviez les jambes un peu lourdes ou la digestion capricieuse, vous fonciez chez votre herboriste préféré. Là, au milieu des étagères débordant de tisanes, gélules, hydrolats et huiles essentielles, vous choisissiez l’extrait fluide à base de bourse-à-pasteur et de feuille de ronce qui allège les gambettes ou la teinture de fenugrec qui soulage les ballonnements.
Aujourd’hui, si les plantes médicinales ont le pouvoir de soigner, elles doivent le prouver. Les fabricants de vigne rouge ne peuvent plus clamer que la plante soulage les problèmes de varices sans que l’Union européenne ait officiellement estampillé l’information comme véridique et scientifiquement prouvée. Depuis le 1er mai dernier, selon la directive européenne N° 2004/24/CE du 31 mars 2004 relative aux savoirs traditionnels (plantes médicinales traditionnelles), les plantes vendues en tant que médicaments (c’est-à-dire avec des indications thérapeutiques) doivent obligatoirement avoir obtenu une autorisation de commercialisation auprès du Committee on Herbal Medicinal Products (HMPC).
Contrairement à ce que laissait entendre Heidi Stevenson, cette nouvelle ne tombe pas du ciel puisque la directive européenne a donné sept longues années aux fabricants pour se mettre aux normes. L’objectif ? Harmoniser dans toute l’Europe les procédures de mise sur le marché de ces remèdes et mettre à la disposition du public des produits sains, sûrs et efficaces de surcroît (ce qui n’était pas forcément le cas auparavant). Une commission composée de représentants des 27 pays membres a été mise en place pour examiner les plantes médicinales. Cette institution basée à Londres est une émanation de l’EMA (European Medecine Agency). En France, ce sont deux membres de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui ont suivi les dossiers.
Les structures artisanales seront écimées
Concrètement, comment ça se passe désormais lorsqu’une plante est vendue en tant que médicament ? Doit-elle passer sous les mêmes fourches caudines que n’importe quel vaccin et fournir plusieurs milliers de pages d’études et presque autant de tests cliniques ? Rassurez-vous, les médicaments à base de plantes n’ont pas tout ce chemin de croix à effectuer. Globalement, ils doivent fournir aux experts de l’HMPC les preuves de l’absence de toxicité (le produit ne doit pas avoir été signalé au réseau de pharmacovigilance, par exemple), donner des informations quant à la provenance de la plante, ses conditions de culture et, surtout, montrer que le médicament est utilisé depuis belle lurette.
Pour cela, les fabricants compilent études bibliographiques scientifiques détaillées et rapports argumentés d’experts. L’objectif ? Faire ressortir l’efficacité du produit, montrer son utilisation séculaire et, ainsi, réduire la nécessité de réaliser des essais précliniques et cliniques.
« Cette directive est censée permettre une procédure d’autorisation de mise sur le marché simplifiée pour l’enregistrement des médicaments traditionnels à base de plantes sans exiger les renseignements et les documents classiques des tests et essais sur la sécurité et l’efficacité, à condition qu’il existe suffisamment de preuves d’une l’utilisation médicinale du produit – éléments bibliographiques ou rapports d’experts – pendant une période d’au moins trente ans, dont au moins quinze ans dans la Communauté européenne », précise Thierry Thevenin, secrétaire général du Syndicat inter-massifs pour la production et l’économie des simples dans un communiqué démentant les propos de l’homéopathe.
« Toutefois, regrette-t-il, cette procédure, même simplifiée par rapport à celle prévue pour les médicaments classiques, reste trop lourde et coûteuse pour des petites structures artisanales, surtout si elles ont une grande gamme de remèdes à faire valider. Ce sont donc les petits acteurs de la filière qui seront poussés vers l’illégalité. »