Un petit vent vert et frais souffle sur le monde de la piscine. Depuis quelques années, les baignades biologiques, déjà bien connues de nos voisins nordiques, font leur apparition dans nos jardins. Exit le chlore, les carreaux bleus et le plastique, place aux poissons, aux algues et aux plantes aquatiques. Nos conseils pour que vous soyez prêts dès cet été à ne plus nager à contre-courant.

Vous avez dit « piscine naturelle » ? Attention, vous allez vous attirer les foudres des professionnels. Parlez plutôt de plutôt « baignade naturelle ». Un nom différent pour une pratique différente. « Une piscine classique fonctionne grâce à une filtration rapide et avec des produits chimiques. Une baignade naturelle repose sur une filtration lente et biologique, à l’aide de plantes. » Dans son rapport de 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) réfute également l’appellation de piscine expliquant que, dans ce type de bassin, l’eau n’est pas de qualité désinfectée et désinfectante : « Il s’agit de baignades où l’eau captée est maintenue captive par des moyens artificiels. »

La baignade naturelle : Se fond dans le paysage

Dans un bassin naturel, c’est le mouvement de l’eau et les plantes aquatiques qui assurent la salubrité de l’eau. La nature recrée un biotope équilibré et fonctionne en circuit fermé. Le filtrage de l’eau se réalise dans une lagune, une zone d’eau peu profonde reliée au bassin de baignade, très souvent par un système de pompe. Les bactéries vivant dans les roches de la lagune transforment les matières organiques en éléments assimilables par les plantes, comme les nénuphars jaunes, les primevères d’eau, la lentille d’eau ou le sagittaire double. Une cinquantaine d’espèces de plantes peuvent être utilisées dans la lagune et environ 300 dans les contours du bassin, à raison d’environ trois plantes au mètre carré. Choisissez-les en fonction du climat, en variant les tailles et les espèces. L’eau est ensuite oxygénée en passant dans un système de cascades. Ainsi, elle ne stagne jamais.

Quelques poissons assureront, si vous le souhaitez, le nettoyage de votre bassin mais ne sont pas indispensables à son bon fonctionnement. Résultat : une eau propre et saine, sans la sensation ni l’odeur désagréable du chlore. Et donc particulièrement adaptée aux personnes sensibles et allergiques. À ce système, il est possible d’ajouter une zone de régénération. Une fois filtrée dans la lagune, l’eau circule dans ce deuxième bassin et se réchauffe naturellement par restitution de chaleur grâce à des galets.

Douce pour la peau et pour l’environnement

La baignade biologique est particulièrement esthétique. Agrémenté de roches et de plantes, l’ensemble s’intègre naturellement dans le jardin, et évolue au fil des saisons. Avec ses allures de mare naturelle, la baignade verte renvoie au musée des horreurs le cube bleu standardisé qu’est la piscine classique. « On en profite visuellement tout au long de l’année, se réjouit Patrick Lemaire, paysagiste et membre du réseau national Les Créateurs aquatiques. Il faut simplement veiller à bien choisir son emplacement, en l’éloignant des arbres, mais aussi son exposition au soleil. » Pour adapter votre piscine aux caractéristiques de la région, de son altitude à son ensoleillement, adressez-vous à des bureaux d’études spécialisés ou à un paysagiste. Seules les pierres calcaires friables, qui se décomposent au contact de l’eau, sont contre-indiquées. Les spécialistes recommandent la pouzzolane, la zéolite, la pierre ponce et autres roches volcaniques, de même que les graviers et les galets. L’achat le plus responsable consiste bien sûr à choisir des roches disponibles dans sa région.

« L’auto-construction est une possibilité très intéressante pour ceux qui ont un budget limité où qui ont envie de s’impliquer pleinement dans leur projet », raconte Yann sur son blog piscines-ecologiques.net. Mais les étapes sont multiples, de l’obtention du permis de construire au choix de la technique d’étanchéité et de la forme en passant par la définition de la profondeur. Et cela avant de se lancer dans les travaux à proprement parler ! Avec deux ou trois zones supplémentaires, un bassin naturel occupe plus de surface qu’une piscine traditionnelle. Conséquence : un coût un peu plus élevé. Construite selon des procédés brevetés, comme le proposent les fabricants BioNova, Bioteich et TeichMeister, la baignade biologique revient de 400 à 800 € le mètre carré. « Le tarif se calcule en fonction de la taille, du terrassement et de l’accessibilité. Une baignade naturelle de taille standard coûte environ 40 000 €, soit l’équivalent d’une piscine classique haut de gamme. »

Bassin biologique : Côté entretien

Pour une eau claire et limpide, il faut nettoyer assez régulièrement le fond et les parois de la zone de natation, et entretenir les plantes. « La fréquence du nettoyage varie d’une personne à l’autre. Certains veulent garder un côté sauvage, d’autres préfèrent une eau claire et transparente. » L’inconvénient majeur des baignades naturelles ? Leur température ne doit pas excéder 25 °C au risque de voir les plantes mourir, ce qui provoquerait la prolifération de micro-organismes et détruirait l’écosystème.

Autres petits bémols : sans murs maçonnés, il n’est pas toujours facile de sortir de l’eau, surtout avec le développement d’algues, ni de sécuriser la baignade pour les enfants. Dans son rapport, l’AFSSET identifie également plusieurs risques sanitaires : les micro-organismes pathogènes apportés par les baigneurs pouvant être à l’origine de contaminations, les toxines de micro-algues et de cyanobactéries, dont la prolifération est amplifiée dans les baignades artificielles par des conditions particulièrement propices, et enfin les pollutions chimiques apportées par l’environnement, via l’eau de remplissage de la baignade, les ruissellements d’eau souillée ou l’intrusion d’animaux. Les professionnels recommandent d’analyser l’eau une fois par an, même si l’apparition d’algues ou de vase ne présente pas de danger.

Et c’est écolo ?

Mais attention, qui dit baignade naturelle ne dit pas forcément piscine écologique. « Une baignade consomme plus d’électricité qu’une piscine classique car sa pompe fonctionne en permanence. Une piscine classique n’utilise son filtre que pendant huit à douze heures par jour. » Concernant l’eau, ce n’est guère plus réjouissant car elle s’évapore plus vite dans une baignade naturelle, non couverte la nuit et en hiver, surtout si elle possède plusieurs bassins. « Une piscine conventionnelle n’est pas une catastrophe écologique, poursuit Joëlle Pulinx. L’exploitation d’une piscine de huit mètres sur quatre correspond en moyenne à 200 kilos de CO2 par an, soit pas plus qu’un aller-retour Paris-Lyon en voiture ! » Le poste le plus gourmand ? La consommation d’électricité. D’où la percée des pompes solaires, autonomes en énergie. Pour économiser l’eau, privilégiez les panneaux coulissants en bois local pour couvrir la piscine afin d’éviter l’évaporation en dehors des périodes d’utilisation. Un système pour récupérer l’eau de pluie est également simple et efficace. Quant au mode de traitement, le sel peut paraître plus naturel, mais l’électrolyse nécessaire consomme de l’énergie (350 W/h). Le chlore, lui, n’en exige pas… Et plus les baigneurs seront propres, moins vous en aurez besoin.

Les fabricants historiques convertissent

Populaires chez nos voisins européens depuis le début des années 2000, surtout en Allemagne et dans les pays nordiques, les baignades naturelles séduisent de plus en plus de Français depuis trois ans. Il existerait ainsi moins de 1 000 baignades naturelles en France, un chiffre dérisoire face aux 1 500 000 piscines privées que compte l’Hexagone. Mais l’offre tend à se diversifier ce qui permet de toucher un public de plus en plus large. Les fabricants proposent en effet des modèles qui combinent l’allure d’une piscine classique avec les avantages de la baignade à filtration biologique, sans rompre avec la géométrie d’un bassin traditionnel. C’est l’idéal pour conjuguer une zone de baignade et de loisirs conventionnelle, avec un procédé́ de filtration biologique aux allures de jardin d’agrément. » Entre ces deux modèles, on trouve aussi des baignades naturelles dites intermédiaires avec des murs bétonnés.

« L’apparition des baignades naturelles en France aura eu le mérite de faire évoluer les pisciniers conventionnels. Ils sont ainsi de plus en plus soucieux de l’environnement. » Cela passe d’abord par une meilleure intégration de la piscine dans le jardin et, plus généralement, dans le paysage local. Le bois revient ainsi en force, avec des essences locales issues de forêts certifiées. Tout comme, plus généralement, les matériaux naturels. Un exemple ? La pierre naturelle de Bourgogne qui compte 70 variétés, des teintes les plus claires aux plus foncées, des surfaces les plus unies aux plus coquillées. Elle permet de réaliser la margelle entourant la piscine, qui décore le bassin et facilite l’entrée dans l’eau. Ou encore un dallage pour assurer un espace de vie et une zone de circulation propre autour du bassin. Cette solution assure également la liaison visuelle entre le bassin et le reste du jardin. Attention tout de même à la pierre dite « reconstituée » arrivée récemment sur le marché. Elle a l’aspect et le toucher de la pierre naturelle, mais en aucun cas ses vertus écologiques. Ce matériau est constitué d’éléments naturels broyés et recomposés, qui en font un produit proche du béton. La pierre naturelle, elle, se recycle à l’infini, et est extraite de carrières bourguignonnes respectant les réglementations environnementales.

On assiste enfin au développement de matériaux recyclés. Le mastodonte Desjoyaux propose par exemple des structures de coffrage de piscine en plastique recyclé obtenu à partir de bouteilles de lait. Tous les liners, le revêtement d’étanchéité des bassins, sont également fabriqués à partir de matériaux recyclés. Dans le même esprit, l’enseigne Plastivert propose des planches de terrasse Govadeck en plastique recyclé. Sans entretien, antidérapantes, imputrescibles et résistantes aux intempéries, elles viennent s’inscrire naturellement autour de votre baignade et sont idéales si vous avez des enfants.

Même la balnéo s’y met : le fabricant Water­air a ainsi imaginé une piscine dotée d’un éclairage à LED intégré dans l’escalier et d’un diffuseur d’huiles essentielles. À vous de choisir un instant vivifiant avec de l’eucalyptus, un brin d’amour avec un mélange de rose et de fleurs d’ylang-ylang. Ou tout simplement un moment de sérénité avec la camomille…